Des alliés qui commencent à faire entendre leur voix
Après l’attaque sanglante du Hamas le 7 octobre, les pays occidentaux ont fait face à une pluie de critiques dans le monde arabe pour leur soutien aux représailles menées par Israël. Mais la position des Etats-Unis et des pays européens a connu une légère inflexion début novembre, plusieurs responsables condamnant désormais Israël pour l’intensité de ses frappes sur la bande de Gaza.
Rembobinons. Le 7 octobre, le mouvement islamiste palestinien Hamas déclenche, depuis la bande de Gaza qu’il administre, une attaque surprise sur le sol israélien. En représailles, Israël déclare une guerre pour « anéantir » le mouvement terroriste, et bombarde sans relâche la bande de Gaza, où s’entassent quelque 2,4 millions de Palestiniens.
La communauté internationale se divise alors en trois camps : les pays qui soutiennent Israël, les pays soutenant le Hamas, et ceux se prévalant d’une forme de neutralité, en appelant à un cessez-le-feu. Les pays occidentaux affichent immédiatement leur soutien à l’Etat hébreu.
« A cette heure, nous devons être absolument clairs. Nous nous tenons aux côtés d’Israël », lance Joe Biden le 10 octobre, qualifiant les attaques du Hamas de « mal à l’état pur », et promettant une aide militaire et financière à son allié historique. L’Allemagne, les Etats-Unis, la France, l’Italie et le Royaume-Uni condamnent dans un communiqué commun publié le même jour « sans ambiguïté possible le Hamas et ses actes terroristes révoltants » et promettent de soutenir « les efforts d’Israël pour se défendre ».
Dans les jours qui suivent, le président américain, Joe Biden, le chancelier allemand, Olaf Scholz, le Premier ministre britannique, Rishi Sunak, se rendent chacun à leur tour en Israël. Ursula von der Leyen en fait de même, mais sa visite crée un malaise chez les diplomates de l’UE, la présidente de la Commission européenne ne conditionnant pas son soutien au respect du droit international, et ne prenant le temps de visiter les territoires palestiniens. Et ce, quelques jours seulement après avoir annoncé que l’aide au développement européenne en faveur des Palestiniens serait réexaminée.
Le président français, d’ordinaire prompt à offrir sa médiation et très volontariste dans les crises internationales, se fait relativement discret dans un premier temps, ne se rendant en Israël que le 24 octobre. Il rencontre aussi à cette occasion le président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi, le président palestinien Mahmoud Abbas et le roi Abdallah II de Jordanie. « La situation est extraordinairement compliquée. [La France] a la première communauté musulmane en Europe et la troisième communauté juive dans le monde », un contexte éminemment inflammable qui appelle une réponse équilibrée, analyse auprès de l’AFP Michel Duclos, ancien diplomate et conseiller spécial à l’Institut Montaigne.
Côté palestinien, le bilan des bombardements israéliens – communiqué par le Hamas – s’envole. Le soutien sans faille des gouvernements occidentaux à Israël est de plus en plus critiqué au sein de l’opinion publique, et les manifestations en soutien aux Palestiniens se multiplient. « Dans la bande de Gaza, un désastre humanitaire semble imminent. Et à mesure que la situation des Palestiniens s’aggrave, le soutien occidental à Israël diminuera », prédit le quotidien israélien de gauche Haaretz, mi-octobre. « Les diplomaties occidentales sont prises en porte-à-faux, entre la légitime empathie et la solidarité avec un pays frappé par le terrorisme, et la difficulté de le restreindre dans sa riposte », analyse sur France Inter l’éditorialiste en relations internationales Pierre Haski.
Dans la nuit du 25 au 26 octobre, des chars et des blindés israéliens font une première incursion à Gaza. Deux jours plus tard, l’Etat hébreu annonce « étendre » ses opérations terrestres dans l’enclave. Les chefs d’Etat et de gouvernement des 27 pays de l’UE expriment alors leur « plus vive inquiétude concernant la dégradation de la situation humanitaire à Gaza », dans une déclaration commune qui réclame des « couloirs humanitaires » et des « pauses » pour acheminer l’aide internationale. De leur côté, les Etats-Unis se déclarent aussi favorables à une « pause humanitaire » afin de laisser entrer l’aide dans la bande de Gaza. Tout en continuant à afficher un soutien « sans faille » à Israël et son droit à se défendre contre le mouvement islamiste, l’administration Biden multiplie publiquement les appels à épargner la vie des civils palestiniens.
« Le gouvernement israélien devrait prendre toutes les mesures possibles à sa disposition pour faire la distinction entre le Hamas – les terroristes qui sont des cibles militaires légitimes – et les civils qui ne le sont pas », déclare ainsi sur CNN le conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche, Jake Sullivan, le 29 octobre. Quelques jours plus tard, un haut responsable américain cité par l’AFP considère que la libération des otages du Hamas « nécessiterait une pause très conséquente du conflit ».
Entre fin octobre et les premiers jours de novembre, plusieurs bombardements israéliens meurtriers sur un camp de réfugiés, sur plusieurs écoles abritant des déplacés ainsi que sur une ambulance suscitent une émotion internationale. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, se dit « horrifié ». « Les images des corps éparpillés dans la rue devant l’hôpital sont déchirantes », ajoute-t-il à propos de la frappe ayant touché l’ambulance. Après les frappes israéliennes contre le camp de Jabaliya, géré par l’ONU, la France condamne explicitement, pour la première fois depuis le début du conflit, « les attaques contre les sites des Nations unies et les personnels humanitaires ». Elle exprime aussi son « étonnement » et son « incompréhension » concernant une frappe israélienne ayant touché l’Institut français de Gaza, vendredi 3 novembre.
Le président de la République, Emmanuel Macron, annonce par ailleurs l’organisation d’une « conférence humanitaire » le 9 novembre à Paris. Un moyen, pour les alliés d’Israël, d’ « apporter une pression » sur l’Etat hébreu afin de « mettre un terme à cette campagne de bombardement », estime sur franceinfo Rony Brauman, médecin et ancien président de Médecins sans frontières.
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